Thierry, "Dans la doublure de mon dernier sommeil"

Le livre d'un poète, Thierry Lemoine, sur sa mort à venir...

Je connais Thierry depuis longtemps, nous partageons un même appel à travers la voie christique, entre autres. Un autre article de ce blog présente une autre facette de cet homme, le poète : l-evangile-d-un-poete 
Voici son témoignage sur l'écriture de cette oeuvre :

"C’est en 2019, après la rédaction de mes deux premières œuvres poétiques, que j’ai entendu ce curieux appel intérieur à écrire sur ma mort à venir. Je ne sais dire à quelle exigence cet appel répondait, car je n’avais ni maladie ni vieillesse pour en expliquer l’urgence, l’impétueux et le sens. Juste un brin de conscience sur l’inéluctable de la mort, doublé d’un regret et d’un mystère : le regret d’une absence, la mort étant cachée, refusée, combattue et niée dans notre société ; et le mystère de ce rendez-vous d’une telle intensité à laquelle si peu d’entre nous sommes préparés.
Alors je me suis mis devant ma mort à venir, devant ma vie donc, et face à mon clavier j’ai écrit ce qu’elle me dictait. La vie est une procession de petites morts à soi-même, et le pèlerin que je suis n’a eu de cesse d’égrener son chapelet de deuils, petits ou grands, qui le rapprochaient de sa destinée. Dans ce monde des formes qui passent et trépassent, tout est deuil à traverser et les seules choses qui restent sont celles que l’on a renoncé vouloir posséder : « Un rien. Je ne suis qu’un rien… Qu’un mandala de sage hindou, un empilé de pigments patiemment rassemblés en œuvre d’art et voués à l’impermanence, condamnés à s’offrir à la destruction des vents. Une œuvre balayée d’un revers de brise. Je ne suis qu’un rien et je m’accroche à ce que je connais, les deux mains fermement agrippées aux rebords du connu, et plus je voudrais le conserver et plus il s’échappe. Je sens bien qu’à vouloir rester en cet endroit, à l’envers de la vie, qu’à vouloir m’accrocher à ce qui passe, qu’à tenir à ce que je crois, je sens bien qu’à refuser de n’être qu’un rien, je me prive d’être ce tout auquel j’aspire ».
Dans la doublure de mon dernier sommeil est un roman poétique qui s’offre en chemin initiatique pour qui veut se préparer à vivre pleinement sa propre mort. Des chapelets de deuils à traverser, disais-je, des chapelets de désillusions, de renoncements et d’arrachements. Et toujours, toujours, cette petite voix intérieure qui invite à se rencontrer au-delà de ce que l’on croyait être. Que reste-t-il quand il ne reste plus rien ? Quand ce que je croyais être moi vient à disparaitre ? Quitter une vie professionnelle, une vie sociale, amicale et familiale, dire au revoir à sa maison pour rejoindre un hôpital, dire au revoir à ses enfants, ses frères et sœurs, parents, amis, à tous ces lieux où se promenait la vie, deuil après deuil, entrer dans le sanctuaire, dans le sacré de sa vie. Puis dépouillé de tout, se laisser rencontrer par cette puissance d’Amour qui est la seule trame invisible où s’écrivent nos récits d’Hommes".
 
Extrait : mourir comme on fait l’amour
Qu’est-ce que la mort si ce n’est l’inexorable appel à se perdre et se fondre ? S’abandonner, consentir et s’offrir, céder jusqu’à l’orgasme à cette force qui vous prend ? Qu’est-ce que la mort si ce n’est la vie, donc ? La vie prend et saisit tout autant, la vie croît, transforme, emporte, vous fait gémir et céder sous ses assauts, elle fait craqueler les armures, elle fend les cœurs, pourfend les croyances et fait chavirer les raisonnements trop établis. La vie vous pénètre de sa puissance, aussi vrai et aussi fort que jadis elle a pétri la poussière du big-bang en galettes de planète et rassemblé les premières lunes en brillance de comète.
Mourir… C’est donc cela : intensément vivre. Intensément s’abandonner à la béatitude. Ne rien retenir, être traversé. Mourir comme on fait l’amour : s’offrir, accueillir, bruire de n’être assez grand pour contenir les épousailles et consentir à être retourné par elles. Ressentir par chaque pore l’extase des abandons, renoncer à s’appartenir et sur les berges d’une autre rive, être réveillé en nouveau matin par le clapotis de la conscience. Conscient de n’être en rien le même et pleinement Soi tout à la fois.
Qu’est-ce que la mort si ce n’est la vie ? Je croyais avoir peur de la mort et découvre que c’est de la vie dont j’avais peur. En vérité, la mort est un visage bien étrange de la vie, un concentré d’elle si dense, qu’elle en devient effroyable à celui qui ne vit pleinement.
                                                                                                                                          
 
Extrait de Dans la doublure de mon dernier sommeil - Thierry LEMOINE - Éditions du Livre-Don - Mars 2022 - pages 192-193.
 
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Pour se procurer l’œuvre : https://thierry-lemoine.org/produit/dans-la-doublure-de-mon-dernier-sommeil/